lundi 28 mai 2012

L'homme des casernes

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L'homme des casernes [Enregistrement vidéo] / Jean-Marc Henchoz présente: un film de Jacqueline Veuve ; [en collab. avec Emmanuelle de Riedmatten],[Lausanne] : Aquarius Films Prod., [2005?], 1 DVD-R (90 min.) : couleur PAL.
Sur le coup, en visionnant, je ne suis pas impressionné. L’image n’est pas très belle, le déroulement est tout à fait  attendu (on suit chronologiquement 4 mois d’école de recrue), et le sujet n’est pas sexy (l’armée suisse). Mais ce docu est tout de même efficace, sa puissance se déploie après coup, dès le lendemain et les jours suivants.
Ce n’est pas du tout un docu classique, image et voix off par dessus, ce qui est la forme des origines (années 1930), la forme de la propagande totalitaire, la forme de la plupart des documentaires actuels et la forme de la publicité. C’est anti toutes ces formes, ce qui est déjà pas mal.
Pas de voix off, que des paroles par les protagonistes, dans la situation réelle.
Aucune voix off ou cartons explicatifs. Toutes les informations sont prononcées par les protagonistes, sans craindre de dire le contraire de ce qui est filmé. Toutes les recrues sont contre l’armée, même le major reprend cet avis « tout à fait normal ». Les officiers et l’aumônier déclament des ordres, des consignes, des bonnes paroles ou des discours au contenu souvent risible. Le film n’essaie pas de sélectionner ce qui donnerait une bonne image de l’armée, mais pas non plus l’inverse. Il se dégage de l’ensemble un mélange connu d’ennui, d’inutilité, d’hypocrisie mais aussi de devoir, de destin.
Pas de musique sauf les fanfares
On entend le bruitage de l’armée, les bruits de gamelles, de barda, de souliers cloutés, de véhicules et de détonations. Quelques fanfares lors de cérémonies ou cortèges. Pas de musique, un autre des grands moyens classiques pour habiller un docu des années 1930, de propagande, un docu actuels genre Apocalypse, et bien sûr tout clip publicitaire.
Pas de dramaturgie sauf les ordres du jour
On suit le déroulement du soldat suisse, de son recrutement au dernier jour de son école de recrue qui dure quatre mois. Jacqueline Veuve n’a rien inventé, arrangé ou mis en scène. Le déroulement de ces quatre mois est lui-même suffisamment riche pour le propos du film : montrer une école de recrue, rien de plus. Cette école de recrue n’a pas été faite pour le film et le film n’a pas été fait avec autre chose que cette école de recrue. Ce qui est toute la valeur documentaire de ce film, et aussi son relatif ennui anti hollywoodien.
Le visage qui revient
Une seule chose apparaît assez vite dans le docu, puis se poursuit jusqu’à la fin, une chose tout de suite perçue comme un choix du réalisateur, c’est la sélection de quelques visages dont un au moins est très beau. On voit se dérouler cette école de recrue sur le beau visage d’un jeune soldat méfiant, incrédule, moqueur, réservé, contraint et finalement floué ou peut-être sauvé par son expérience.
Ce qui m’a fait penser que, après tout, ce docu était très bien
Une des scènes du film évoque les premières images de Nuremberg dans Triumph des Willens, quand on découvre, au début du film, vus d’avion, les toits de Nuremberg. Cette référence à un des films de propagande totalitaire célèbres et détestés m’a montré tout ce qui est absent dans Triumph des Willens :
Dans Triumph des Willens, jamais un avis, jamais une parole (à part les discours et les annonces de parades). Que de l’image, du rituel, de la musique wagnérienne et des marches. Aucun individu, que des masses, des cortèges, des troupes, des foules, des rassemblements.
Ici, dans l’Homme des casernes, au contraire, tout est révélé par des discours et des avis individuels très imparfaits, maladroits, peu développés, résignés, naïfs.
Bien aussi parce que devrait être secret
Dans la plupart des pays, on n’autorise pas les caméras autour des installations militaires.
Ici, dans l’Homme des casernes,  rien de secret, on montre et on dit tout. La contestation ou l’indifférence des recrues qui subissent  leur instruction, la naïveté des justifications données par les officiers,  la roublardise de l’agent recruteur (une tradition suisse depuis les temps du mercenariat), l’endoctrinement religieux et politique. On explique même, devant la caméra, en quoi consiste le secret d’une mobilisation générale.  
Je constate à quel point un tel film serait impossible en Chine ou tout ce qui concerne l’armée est secret, où tout filmage de soldats ou d’installations est sévèrement interdit.
Finalement, ce film tient ses promesses d’informations (car un documentaire, cela doit apprendre quelque chose) en ceci que je pourrais le conseiller aux gymnasiens pour qu’ils voient exactement comment se préparer au risque du redoublement militaire par l’école de sous-officier.

Mais on ne donne rien de plus à voir ou à comprendre. On ne dit pas, par exemple, que ces jeunes, quand ils ont fait leurs quatre mois, ne savent toujours rien. On ne leur a rien dit. Rien d’autre que l’endoctrinement. On ne leur a rien appris. Rien d’autre que graisser un fusil. Mais le climat de méfiance et de résignation est tel que, probablement, ils n’écouteraient rien d’autre.

Note :
Triumph des Willens (1935) - Triumph of the Will, Léni Riefenstahl
http://www.youtube.com/watch?v=GHs2coAzLJ8
En vo (mais il n'y a pas de dialogues), les discours sont sous-titrés en anglais
6ème congrès du parti, congrès de 1934. 700'000 participants!
Générique
5 septembre 1934
…Hitler vole vers Nuremberg pour tenir une manifestation militaire (military display, um heerschau abzuhalten über eine Getreuen (?))
1’3’’ survol, descendu du ciel
2’45’’ les toits de Nürnberg (la ville est déjà parcourue par des défilés).
Sources :
Histoire du cinéma
quelques notes pour aborder le cinéma des années 1930


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HISTOIRE - Sz
GYMNASE CANTONAL DU BUGNON  - LAUSANNE
gmslausanne
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